Etude de l’interrelation entre langage oral et fonctions exécutives. Apport des aphasies primaires progressives.

Le contexte actuel du vieillissement global de la population entraîne une augmentation du nombre de personnes affectées par une pathologie neurodégénérative, notamment la maladie d’Alzheimer (MA) et l’aphasie primaire progressive (APP). Les connaissances s’enrichissent et se précisent, pour cette dernière notamment. L’APP constitue un groupe de maladies neurodégénératives affectant les réseaux neuronaux du langage. Trois formes sont distinguées : non fluente, sémantique et logopénique. Par définition, l’atteinte langagière de ce syndrome clinique reste isolée pendant au moins deux ans. Mais des études récentes ont révélé la présence d’autres difficultés cognitives, notamment exécutives, dès le stade débutant de la maladie. Le but de cette recherche est de décrire les profils langagier et exécutif des trois formes d’APP et de clarifier les relations complexes entre ces processus cognitifs. Nous avons également comparé les profils des trois groupes d’APP à un groupe de patients présentant une MA, ainsi qu’à un groupe de personnes sans trouble cognitif. Cent-quarante-trois personnes ont participé à cette recherche (70 APP, 32 MA et 41 contrôles). Tous les participants ont réalisé une évaluation composée d’épreuves de langage oral et de fonctions exécutives. Les analyses ont montré des différences significatives entre les groupes APP et MA et le groupe contrôle pour la plupart des épreuves. Le groupe APP non fluent présente des performances significativement plus faibles pour toutes les épreuves en comparaison au groupe contrôle. Les tâches de répétition, de lecture et celles évaluant les fonctions exécutives (hormis la fluence de dessins) sont préservées dans la forme sémantique, tout comme les empans visuo-spatiaux et le Stroop pour la forme logopénique. Une analyse en composantes principales a regroupé toutes les épreuves de langage oral et de fonctions exécutives sur un facteur pour les contrôles mais pas pour les groupes de patients APP et MA. Les analyses de régression ont montré une interrelation entre le langage oral et les fonctions exécutives moins importante pour les groupes de patients que pour le groupe contrôle. Ainsi, la présente recherche a montré l’existence d’un dysfonctionnement exécutif dès le début de la maladie dans les trois formes de l’APP. Ces difficultés apparaissent plus importantes que décrit dans les critères diagnostiques consensuels actuels. La forme sémantique de l’APP constitue la forme la moins dysexécutive. L’interrelation entre langage oral et fonctions exécutives, importante chez les contrôles, tend à s’affaiblir avec la maladie. Pour conclure, même si les déficits langagiers s’avèrent les symptômes principaux, les troubles exécutifs sont également présents dans l’APP dès les stades débutants de la maladie, même si les fonctions exécutives ont été décrites comme relativement préservées et sont actuellement exclues des critères diagnostiques. En raison de cette relation complexe entre les processus langagiers et exécutifs, une évaluation rigoureuse et approfondie, linguistique mais également exécutive, pourrait contribuer au diagnostic différentiel entre les trois formes d’APP. Mots clés : aphasie primaire progressive – maladie d’Alzheimer – langage oral – fonctions exécutives – évaluation