Position de l’AFCP en défense des standards de la publication scientifique

L’AFCP s’inquiète d’une pratique de plus en plus répandue dans les médias (généralistes ou spécialisés), ainsi que dans le grand public, à considérer comme des articles scientifiques à part entière des documents mis à disposition sur des plates-formes de prépublications électroniques (arXiv, preprints.org, etc.), et donc à s’emparer de leurs « résultats » sans discernement…

En quoi consiste ces plates-formes ?

Il s’agit de plates-formes d’archivage et de distribution électronique de documents de recherche non encore publiés (également appelés « prépublications », en anglais : « preprints ») couvrant un grand éventail de disciplines parmi lesquelles la physique, l’informatique et les statistiques (arXiv), mais également la biologie (BioRxiv), les sciences humaines et sociales (SocArXiv), etc.

Ces plates-formes sont d’accès libre et fonctionnent de manière hautement automatisée. Au mieux, un processus de modération vise à assurer que les contenus proposés soient « utiles, pertinents et intéressants » pour les disciplines visées et que la forme des contributions « respecte les standards de la communication scientifique » (https://arxiv.org/help/primer).

Dans le contexte plus global du libre accès à la science, l’objectif est de proposer une offre complémentaire au système de publication traditionnel, ses atouts étant la mise à disposition centralisée, rapide et libre d’accès, de travaux pouvant être utiles à la communauté scientifique.

Attention : Ne pas confondre…

Une différence majeure entre le processus traditionnel de publication scientifique et le modèle proposé par arXiv et consorts concerne la vérification de la qualité scientifique des documents diffusés.

Pour qu’un article scientifique soit publié dans une revue scientifique spécialisée, il doit être soumis au processus de « contrôle par les pairs » assuré par un comité de lecture. Concrètement, chaque article soumis est revu par plusieurs experts du domaine, coordonnés par un éditeur scientifique, qui examinent la soumission sous tous ses angles, posent des jugements, proposent des interprétations alternatives, suggèrent des ajouts, exigent des modifications, etc. Au terme de ce processus, qui peut concerner plusieurs versions intermédiaires d’une même soumission, l’article final n’est accepté que si son originalité et sa qualité scientifique (en termes de méthodologie, contenu, etc.) sont avérées.

Si ce processus est clairement à ce jour celui qui permet d’assurer la meilleure qualité scientifique aux articles finalement publiés, il est également coûteux en temps et en énergie, tant du point de vue des auteurs que des relecteurs. Il est à noter qu’aucun d’entre eux ne perçoit de rémunération spécifique pour un article publié, même lorsque la revue scientifique concernée est payante pour ses lecteurs.

A contrario, les plates-formes de prépublications électroniques permettent à leurs utilisateurs de diffuser rapidement et gratuitement le produit de leurs travaux et réflexions dès qu’ils l’estiment prêt.

Que retenir ?

Ainsi, pour diffuser des documents sur les plates-formes de prépublications électroniques, il n’est pas nécessaire de soumettre son travail au contrôle scientifique exercé par les spécialistes du domaine. Par exemple, pour publier sur arXiv, il suffit d’être reconnu (via une affiliation académique ou une procédure d’approbation) comme un « membre actif de la communauté scientifique », de respecter « les standards de la communication scientifique » en termes de forme, et de fournir un contenu jugé potentiellement « utile, pertinent ou intéressant » pour la communauté (https://arxiv.org/help/primer).

Gageons que cette diffusion des idées, premières réalisations, nouvelles propositions, etc. de chercheurs scientifiques, dans un cadre plus flexible que celui du système de publication traditionnel, permettra d’entretenir la créativité, l’innovation et les échanges au sein de la communauté scientifique.

Mais restons attentifs, prudents, et critiques face aux contenus proposés : les plates-formes de prépublications électroniques n’ont ni les moyens ni l’ambition de se substituer au contrôle de la qualité scientifique par les pairs.