L’interaction linguistique est une forme d’action conjointe dans laquelle les individus coordonnent leur comportement verbal et non verbal pour communiquer avec succès. Pour ce faire, les interlocuteurs en viennent à se représenter mutuellement dans de multiples dimensions du langage, de la conceptualisation à la sélection lexicale et à la représentation phonologique. Ils en viennent également à copier les mots et les expressions des autres. La présente thèse vise à explorer les dynamiques sociales et cognitives qui amènent les interlocuteurs à se tourner vers la perspective de leur partenaire et à discuter des effets que les comportements d’adaptation au partenaire ont sur la mémoire (encodage de l’information), la prédiction et la production (choix des mots). Dans trois études empiriques, nous avons fourni des preuves des processus de co-représentation et d’adaptation qui sous-tendent l’interaction homme-homme et homme-robot. Dans la première étude, nous avons utilisé une tâche partagée de type go/nogo dans laquelle des paires de participants classaient des objets affichés sur un écran. Les objets variaient selon qu’ils nécessitaient une réponse d’un seul participant, des deux participants ou d’aucun des deux. Chaque participant réagissait soit en fonction de l’animation (tâche sémantique), soit en fonction de la première lettre/phonème de l’objet (tâche de suivi du phonème). Nous avons testé si l’attention partagée sur des propriétés linguistiques distinctes et sélectives affecte le traitement du langage. Nous avons constaté que les participants qui portaient leur attention sur le niveau phonétique répondaient plus rapidement dans les essais conjoints. Cela suggère que la phonétique bénéficie de la coprésence de la sémantique. Les résultats d’un test de rappel ont révélé, en outre, un avantage de mémoire sociale pour les deux groupes de participants lorsqu’ils répondent aux objets ensemble. Dans les deuxième et troisième études, nous avons testé la prédiction et l’adaptation aux choix lexico-sémantiques produits par un robot humanoïde dans une tâche conjointe de dénomination d’images en utilisant des mesures électrophysiologiques (étude 2) et comportementales (étude 3). Le robot était programmé pour donner le nom de la catégorie sémantique supérieure (p. ex., outil) au lieu du nom de niveau de base plus typique (p. ex., marteau) des objets appartenant à des catégories sémantiques spécifiques. Les résultats électrophysiologiques ont révélé que 1) les partenaires humains sont capables de surveiller et de prédire les mots à venir du robot, comme le signale l’activité comparable lorsqu’ils se préparent à parler et lorsque le robot se prépare à parler, et que 2) ils peuvent s’adapter aux modèles lexico-sémantiques idiosyncrasiques du robot. D’après les analyses comportementales, nous avons constaté que les participants produisaient progressivement les noms superordonnés dans les mêmes contextes sémantiques que le robot, indiquant un alignement conceptuel sur les choix de mots du robot. La présente thèse offre un regard exploratoire sur la dynamique d’adaptation affectant le traitement du langage, combinant des étapes de production pertinentes (lexico-sémantique, lexicale, phonétique) avec des dimensions cognitives spécifiques (prédiction, production, mémoire) dans des contextes contrôlés et écologiquement valides.