Evaluation de l’intelligibilité après un cancer ORL : Approche perceptive par décodage acoustico-phonétique et mesures acoustiques

Evaluation de l’intelligibilité après un cancer ORL : Approche perceptive par décodage acoustico-phonétique et mesures acoustiques La perte d’intelligibilité représente l’une des plaintes principales des patients traités pour un cancer de la cavité buccale ou de l’oropharynx et son évaluation perceptive est primordiale pour la prise en charge des troubles de la parole en contexte clinique. Cependant, la définition de la notion d’intelligibilité ne fait pas consensus dans la littérature ; Généralement présentée au sens large comme « le degré de précision avec lequel un message est compris par un auditeur » l’intelligibilité ainsi définie néglige la complexité de la communication parlée et ne permet pas de préciser le niveau linguistique considéré par l’évaluation. Cette imprécision est susceptible de perturber l’évaluation clinique. Cette thèse se propose d’apporter des éléments de réflexion linguistiques pour questionner la notion d’intelligibilité et préciser sa définition dans le cadre de l’évaluation des troubles de la parole chez ces patients. En explorant les relations complexes entre production et perception de la parole, et l’interdépendance des niveau phonétique et phonologique, au service de l’évaluation de l’intelligibilité segmentale en contexte clinique, nous proposons de définir l’intelligibilité comme « le degré de précision avec lequel les unités linguistiques d’un signal acoustique de parole, produit par un locuteur, sont décodées par un auditeur ». Cette définition reflète mieux la complexité qui réside dans cette notion : l’évaluation de la qualité de production des unités linguistiques produites par un locuteur au travers de la perception d’un auditeur. Nous avons mis à l’épreuve cette conception de l’intelligibilité en proposant l’évaluation des productions de patients enregistrés dans le cadre du projet C2SI, et ce, selon 2 approches. La première approche est une évaluation perceptive par décodage acoustico-phonétique (DAP) de pseudo-mots. Le principe de construction de ce test ainsi que la méthode de calcul du résultat permettent d’obtenir un score de Déviation Phonologique Perçue (score PPD) qui rend compte du degré d’altération de la parole (score global) et qui permet d’identifier précisément les segments de parole altérés (score local). Les trois expériences conduites pour l’évaluation perceptive de 40 locuteurs (20 patients et 20 contrôles) montrent que les pseudo-mots constituent un matériau linguistique pertinent pour évaluer l’intelligibilité segmentale, puisqu’ils permettent de neutraliser les biais couramment identifiés d’apprentissage et de restauration lexicale ainsi que l’effet d’expertise auditive clinique. Enfin, une analyse des scores locaux permet de préciser le degré d’altération des différents segments vocaliques. La deuxième approche consiste en des analyses acoustiques des productions des locuteurs et le lien potentiel entre les évaluations perceptives et acoustiques. Ces analyses acoustiques portent sur les productions de 127 locuteurs (87 patients et 40 contrôles). Focalisées sur les segments vocaliques elles sont basées sur les valeurs de formants et permettent le calcul de métriques acoustiques. Les résultats montrent que les mesures acoustiques (Vowel Space Area (VSA) et Indice de Distinctivité (ID)) ne permettent pas de prédire les scores d’intelligibilité segmentale (globale et locale), mais que l’ID constitue une métrique acoustique complémentaire aux scores PPD obtenus par évaluation perceptive. L’évaluation de l’intelligibilité des patients traités pour un cancer de la cavité buccale ou de l’oropharynx est améliorée par une mesure segmentale et au moyen d’une évaluation perceptive par DAP complétée par une estimation du système vocalique. Ces travaux contribuent ainsi à l’amélioration de l’évaluation clinique des troubles de la parole ; l’évaluation perceptive par DAP en particulier montre un fort potentiel d’évaluation qui permet d’envisager son transfert vers une application clinique.