La perception du voisement en français : investigations comportementales et électrophysiologiques du processus de spécialisation phonologique.

Résumé :
Ce travail de thèse porte sur la perception du trait de voisement de consonnes occlusives en position initiale dont l’indice acoustique principal est le Délai d’Etablissement du Voisement (DEV: délai entre la fin de l’occlusion de la consonne et le début de la vibration des cordes vocales; VOT en anglais).
Une première étude concerne la ‘bascule phonologique’ c’est à dire le passage d’un mode de perception universel à un mode de perception spécifique à la langue. L’analyse des variations du rythme cardiaque de nourrissons francophones exposés à des syllabes /də/ et /tə/ variant sur un continuum de DEV a montré une sensibilité aux frontières universelles (-30 et +30 ms de DEV) à 4 mois et à la frontière phonologique du français (0 ms de DEV) à 8 mois. Ces résultats suggèrent que la bascule phonologique en français a lieu plus précocement en français qu’en anglais.
Dans une autre étude, des enfants de 5, 6, 7 et 8 ans et des adultes francophones ont été soumis à des tâches d’identification et de discrimination de stimuli voisés et non voisés (syllabes /də/ et /tə/). Les résultats ont montré que la perception du voisement continue à évoluer pendant l’enfance et ce indépendamment du niveau de lecture. Afin de déterminer si cette évolution résultait d’une maturation cognitive plus globale, des sujets d’âge similaire ont été testés avec des continua de couleurs (jaune et vert) et d’expressions faciales (joie-peur). Alors que la perception catégorielle des couleurs était présente dès 5 ans, le développement de la perception des expressions faciales était plus tardif et similaire à celui du voisement.
Dans une troisième étude, les potentiels auditifs évoqués par la présentation des syllabes /də/ et /tə/ dont le DEV variait entre -75 et +75 ms ont été enregistrés chez des adultes francophones. L’analyse de la morphologie (simple vs double pic) de deux sous-composantes de la N100 (N1b et Na), a mis en évidence des corrélats électrophysiologiques des frontières universelles de voisement auxquelles les nourrissons de 4 mois étaient également sensibles. Par contre, aucun corrélat de la frontière phonologique du français n’est apparu.
Les implications théoriques de l’ensemble de ces résultats sont discutées dans le contexte des modèles existants.