La Variation rythmique dans les dialectes arabes

Résumé :

L’objectif principal de cette étude est de décrire le continuum linguistique de l’espace arabophone à partir d’éléments prosodiques relatifs à la structuration temporelle et rythmique propre à chaque parler.
Les travaux de recherches antérieurs qui se sont intéressés au rythme de la parole en arabe, ont toujours catégorisés les parlers arabes comme accentuels (stress-timed) par opposition à d’autres langues et/ou dialectes décrits comme syllabiques (syllable-timed) ou moraïques (mora-timed). Ces classifications, qui découlent essentiellement d’expériences psycho-acoustiques, soulignent le fait que la perception des différents types de rythme correspond à certaines propriétés phonologiques des langues telles que la structure syllabique, la réduction vocalique et le type d’accent.

Plusieurs modèles ont tenté de trouver les corrélats acoustiques pour quantifier ces propriétés phonologiques et, par la suite, pour mesurer le rythme des langues. Ramus & al. (1999) et Grabe & al. (2000, 2002) ont montré que les classes du rythme perçu, peuvent être appréhendées à partir de certaines mesures instrumentales réalisées sur le signal (i.e. ΔC, ΔV, %V, rPVI, nPVI). Nous avons appliqué le modèle de Ramus et celui de Grabe sur un corpus de parole spontanée représentant six variétés dialectales arabes : marocain, algérien, tunisien, égyptien, libanais et jordaniens. Trois autres langues appartenant à des catégories rythmiques différentes ont également été étudiées : l’anglais, le français et le catalan. Les résultats obtenus à l’issue de cette étude comparative révèlent d’une part que les parlers arabes peuvent être discriminés sur la base de leurs propriétés rythmiques, ce qui va dans le sens de la notion de continuum rythmique ; et d’autre part qu’il existe une forte corrélation entre réduction vocalique et poids syllabique. Les valeurs observées permettent ainsi d’établir une distinction entre trois grandes zones dialectales : le Maghreb, le Moyen-Orient et une zone intermédiaire regroupant la Tunisie et l’Égypte. Enfin, bien que les résultats obtenus pour les trois autres langues, semblent rendre compte des classes de rythme décrites dans la littérature, les valeurs observées pour les différents parlers arabes semblent constituer une remise en question pertinente aux approches considérant les catégories rythmiques comme des ensembles discrets et absolus.

Par ailleurs, l’approche phonologique du rythme prédit qu’une analyse de la complexité syllabique d’une langue devrait permettre de déterminer sa classe rythmique. Nous avons donc mis en place une étude typologique préliminaire visant à décrire les différentes structures syllabiques dans trois variétés dialectales arabes à partir d’un corpus de parole spontanée. Les résultats confirment une opposition pertinente entre les parlers maghrébins (i.e. arabe marocain) privilégiant les structures syllabiques complexes et les parlers orientaux (i.e. arabe libanais) préférant des structures simples et une syllabation ouverte. L’existence des valeurs intermédiaires pour le parler tunisien soutient l’idée que les dialectes arabes forment un continuum. Ces derniers résultats corroborent la notion de sous-classes rythmiques.