Langage et Maladie d’Alzheimer : Analyse multidimensionnelle d’un discours pathologique

Résumé :
Nous proposons dans ce travail une analyse multidimensionnelle du vieillissement langagier normal et pathologique. Cette étude se focalise plus particulièrement sur l’effet de la maladie d’Alzheimer sur les aptitudes langagières des sujets parlants.

Pour ce faire, une analyse comparative du discours oral spontané recueilli auprès de 40 sujets âgés sains et de 40 patients atteints de la maladie d’Alzheimer aux stades léger et modéré a été conduite.
Trois niveaux linguistiques ont été explorés du point de vue quantitatif et qualitatif :
1) le niveau phonético-phonologique avec notamment, l’étude de l’organisation temporelle de la parole et des disfluences (temporelles et verbales) ;
2) le niveau lexico-sémantique appréhendé à travers l’étude de la diversité du vocabulaire, des catégories grammaticales et de la densité propositionnelle du discours ;
3) le niveau syntaxique, évalué en termes de complexité syntaxique à travers l’Index Syntaxique et les types de propositions.
Afin de mettre en regard nos observations  » in vivo  » (i.e. obtenues à partir de l’analyse de discours spontanés) et l’évaluation  » in vitro  » (communément réalisée par l’administration de tests standardisés), nous avons cherché à corréler nos mesures linguistiques aux scores obtenus, par les patients, au test neuropsychologique le plus fréquent.

Nos mesures révèlent que le discours produit par les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer se distingue de celui des personnes âgées saines par une parole disfluente, une réduction significative de la diversité du vocabulaire et de l’informativité du discours, et enfin, par une réduction remarquable de la complexité syntaxique.

L’ensemble de nos résultats entend contribuer à améliorer notre connaissance de la sémiologie linguistique de la maladie d’Alzheimer. Notre travail montre en effet que la maladie d’Alzheimer se manifeste de façon précoce dans le discours oral des patients.

Nous montrons ainsi qu’une meilleure connaissance des troubles du langage associés à cette pathologie pourrait contribuer de façon pertinente à améliorer le diagnostic précoce et/ou différentiel de la maladie d’Alzheimer. Du point de vue applicatif, l’enjeu de cette recherche translationnelle vise l’élaboration d’un outil d’évaluation du langage adapté à la personne âgée démente.

A travers ce travail de thèse, nous espérons avoir contribué au développement futur d’une prise en charge orthophonique (i.e. non médicamenteuse) visant le maintien, voire l’amélioration, de la capacité communicative des patients souffrant de cette pathologie.