Soutenir le développement de la parole chez l’enfant sourd porteur d’implant cochléaire : apports de l’Auditory Verbal Therapy et de la Langue française Parlée complétée

La surdité peut avoir un impact sur le développement linguistique et cognitif de l’enfant. L’implant cochléaire vise à améliorer la perception des sons de la parole, mais les informations auditives transmises par celui-ci restent altérées, ce qui peut affecter le développement du langage oral. Ainsi, pour les parents d’enfants sourds porteurs d’implants cochléaires qui souhaitent utiliser une langue parlée avec leur enfant, il est important de mettre en place des outils et méthodes d’aide à la communication de manière quotidienne. Ce travail de thèse vise à faire un état des lieux de l’usage de ces outils et méthodes en France et à mesurer leurs éventuels bénéfices sur le développement de la parole. Le premier axe de cette thèse a permis de recenser les outils et méthodes utilisés par les parents et les professionnel·le·s en France à partir d’enquêtes en ligne, et ainsi de mieux décrire les pratiques orthophoniques et parentales actuelles auprès des enfants sourds. Ces enquêtes nous ont amenée à focaliser notre étude sur deux approches basées sur des principes théoriques très différents: l’Auditory Verbal Therapy (AVT), qui repose sur une utilisation renforcée de la modalité auditive, et la Langue française Parlée Complétée (LfPC), un code gestuel destiné à être utilisé en complément de la lecture labiale, dont le principe est donc la co-utilisation des modalités auditive et visuelle. Le deuxième axe de cette thèse vise à évaluer les bénéfices de ces deux approches sur la perception, la production de parole, ainsi que sur la mémoire de travail. Il comprend quatre études expérimentales, qui exploitent cinq tâches différentes, et qui ciblent des processus linguistiques différents : une tâche de détection d’altérations phonologiques, une tâche de dénomination d’images, une tâche de répétition de pseudo-mots, une tâche de mémoire de travail verbale (empan de chiffres à l’endroit) et une tâche de mémoire de travail visuo-spatiale (empan visuo-spatial à l’endroit). Des enfants âgés de 5 à 11 ans ont été répartis en quatre groupes : les enfants normo-entendants, les enfants sourds porteurs d’implants cochléaires ayant suivi une thérapie AVT (groupe AVT), les enfants sourds porteurs d’implants cochléaires ayant un niveau élevé de décodage de la LfPC (groupe LfPC+) et les enfants sourds porteurs d’implants cochléaires avec un faible niveau de décodage de la LfPC (groupe LfPC-). Les scores des enfants sourds sont comparés à la variabilité typique des enfants entendants de même âge. Les résultats montrent que les enfants LfPC- ont des performances plus faibles que les enfants normo-entendants sur les trois tâches de parole. Les enfants AVT et LfPC+ parviennent à obtenir des performances similaires à celles des enfants normo-entendants sur les tâches de détection d’altérations phonologiques et de dénomination d’images. En revanche, pour la tâche de répétition de pseudo-mots, qui implique le traitement de structures phonologiques nouvelles, tous les enfants sourds ont des performances déficitaires. Enfin, tous les enfants sourds ont des performances en mémoire de travail, verbale et visuo-spatiale, dans les normes attendues pour leur âge. En conclusion, les résultats de ces études suggèrent qu’un niveau élevé de décodage de la LfPC, de même que la participation à un programme AVT, peuvent contribuer au développement des compétences phonologiques en production et en perception chez les enfants sourds porteurs d’implants cochléaires. Par ailleurs, ces études confirment le fait que l’implantation cochléaire seule n’est pas suffisante pour permettre aux enfants sourds de développer des compétences adéquates en perception et en production de parole. Ce travail présente des retombées cliniques, éducatives et sociétales soulignant la nécessité de sensibiliser les personnes qui prennent en charge des enfants sourds (tels que les parents, les orthophonistes, les enseignant·e·s ou encore les médecins) sur les limites de la perception de parole par l’implant cochléaire et la nécessité d’envisager des stratégies spécifiques de rééducation de la parole, particulièrement pendant les premières années. Il questionne également la complexité de l’évaluation d’une approche pour soutenir le développement phonologique et met en évidence la diversité des facteurs à considérer pour accompagner les parents dans leurs choix linguistiques.