Prise en soin orthophonique des troubles de la voix chantée. Apport de l’aérodynamique et des exercices vocaux en semi-occlusion

Un malmenage ou surmenage vocal pendant la pratique du chant peut conduire à une dysodie, un trouble de la voix chantée d’origine organique ou fonctionnel. La dysodie peut se traduire par l’altération d’un ou plusieurs paramètres de la voix (fréquence, intensité, timbre), du comportement moteur vocal, d’éventuels signes d’inconfort physique. Le trouble vocal peut avoir un impact psycho-social. Suite au diagnostic, une prise en soin orthophonique peut être proposée. L’orthophonie s’inscrit de plus en plus dans une démarche d’Evidence-Based Practice (EBP) permettant de prendre une décision clinique en tenant compte des préférences du patient (pilier patient), des preuves scientifiques (pilier recherche), de l’expertise des thérapeutes (pilier clinicien) et du contexte environnemental global (pilier contexte). A l’heure actuelle, des zones d’ombres persistent sur la prise en soin des chanteurs en orthophonie. Leur statut reste inconnu (niveau d’entraînement, style de chant). Nous disposons de peu d’informations sur les caractéristiques des orthophonistes les prenant en soin et sur les outils qu’elles utilisent en thérapie vocale. En recherche, la mesure des paramètres aérodynamiques est pressentie comme une aide pour le diagnostic de dysodie. Les exercices vocaux en semi-occlusion (SOVTE), tels que ceux avec une paille, ont comme objectif de rééquilibrer ces forces de pression au niveau laryngé. Toutefois, cela n’a jamais été exploré chez des patients dysodiques. L’objectif de cette thèse est de faire le point sur la prise en soin orthophonique des troubles de la voix chantée dans une démarche d’EBP. Ce travail s’articule en deux parties. La première partie explore les piliers patients, cliniciens, et contexte à travers deux études. Une étude rétrospective portant sur 78 comptes rendus médicaux de chanteurs ayant consulté en phoniatrie a montré, en accord avec la littérature, que la dysodie touche davantage les femmes et que les lésions les plus retrouvées sont les nodules et les sulcus. La prise en soin orthophonique est le principal traitement proposé. Une enquête menée auprès de 113 orthophonistes francophones a montré que les chanteurs dysodiques reçus en orthophonie sont relativement peu nombreux et majoritairement amateurs. Tous les styles sont représentés. Cette description donne aux orthophonistes des cibles plus précises pour orienter la thérapie et pointe la nécessité de développer la prévention. Les orthophonistes recevant les chanteurs sont formées transversalement (formations médicales, en chant/musique, en techniques psycho-corporelles). Cette transversalité est nécessaire et doit être promue. Cette étude a également permis de recenser les outils utilisés en thérapie vocale avec les chanteurs, les SOVTE étant les plus cités. La thérapie manuelle semble être utilisée en complément des exercices vocaux conformément aux données de la littérature. La seconde partie s’est centrée sur le pilier recherche et les paramètres aérodynamiques de pression sous-glottique estimée (PSGE) et de débit d’air oral (DAO). Une étude rétrospective de 134 dossiers et bilans aérodynamiques de chanteurs a montré que la PSGE permet de distinguer les pathologies liées à une inflammation des plis vocaux des pathologies liées à une lésion qui les affinent. Elle ne permet pas, en revanche, de différencier les autres types de lésions et les dysodies dysfonctionnelles. Une étude de cas d’une chanteuse dysodique a montré que la paille est un ingrédient actif de la thérapie vocale permettant de faire varier les paramètres aérodynamiques. La patiente élargit sa dynamique en PSGE à l’instar des chanteurs plus entraînés. Le DAO diminue sur le médium et augmente dans l’aigu. Cette thèse a précisé le cadre de la prise en soin des chanteurs dysodiques, proposé des préconisations pour les orthophonistes, pour la recherche sur les paramètres aérodynamiques et un programme de prévention pour les chanteurs.