Processus d’acquisition des clusters et autres séquences de consonnes en langue seconde : de l’analyse acoustico-perceptive des séquences consonantiques du vietnamien à l’analyse de la perception et production des clusters du français par des apprenants vietnamiens du FLE.

Résumé :
Une des principales difficultés rencontrées par les Vietnamiens apprenants du français langue étrangère, une des plus résistantes aux enseignements de phonétique corrective, est la prononciation des groupes consonantiques intra- ou inter-syllabiques, intra- ou inter-mots du français. Les suites de deux ou plusieurs consonnes n’étant pas licites en vietnamien à l’intérieur d’une même syllabe, elles sont la plupart du temps réalisées déformées par rapport à la cible, entraînant chez l’auditeur incompréhensions ou malentendus. Les enseignants du FLE relèvent que ces difficultés persistent même après plusieurs années de pratique, même chez des étudiants de niveau déjà confirmé ou d’exposition à la langue pendant une longue durée. Quelles sont alors les véritables raisons de ces difficultés ? Quels sont les éléments du crible phonologique qui gênent ou empêchent l’acquisition des clusters ? Plus précisément, quels sont leurs implications dans l’acquisition des percepts phonétiques
de la langue cible ? En quoi consistent exactement les erreurs de réalisation ? Quelle est la part des caractéristiques de la langue maternelle et celle d’autres facteurs tels ceux relevant de principes universels des systèmes phonologiques des langues ? Peut-on trouver, dans cette problématique de l’acquisition des clusters, des éléments propres à la structuration de l’interlangue et/ou capables de rendre compte des mécanismes du fonctionnement du langage humain en général ? Par une approche à la fois descriptive et expérimentale, la thèse tente de répondre à ces questions.
La démarche retenue vise à mettre en évidence des éléments de la structure phonologique de l’interlangue à partir 1/ d’une étude descriptive et quantitative comparant les types de séquences consonantiques possibles dans la langue cible (le français) et dans la langue source (le vietnamien) ; 2/ d’analyses acoustico-perceptives des séquences consonantiques de la langue source en prenant en compte la syllabe et ses frontières ; 3/ d’analyses menées sur la perception et production des clusters et autres séquences de consonnes de la langue cible (le français) par des apprenants vietnamiens.
Dans un cadre théorique liant perception et production des sons du langage, phonologie et phonétique, la thèse propose un ensemble de résultats tout à fait intéressants et novateurs qui, discutés à la lumière des différentes théories et modèles d’acquisition des sons des langues étrangères, offrent des pistes solides pour le développement d’outils de technologie éducative capables de proposer des protocoles en phonétique corrective tels que stratégies de récupération des gestes (entraînements) et évaluation des performances des apprenants.
Au-delà de la problématique de l’acquisition des systèmes sonores de langues secondes et de ses aspects didactiques, les résultats obtenus apportent des éléments aux discussions théoriques suivantes de phonétique générale : 1/ la nature physique de la syllabe et son rôle dans les processus de production-perception du langage ; 2/ les liens entre perception et production ; 3/ l’importance de la marque dans la structuration des systèmes sonores montrant la nécessité de comprendre l’origine des tendances universelles dans les systèmes sonores des langues du monde, notamment les rapports entre systèmes phonologiques et capacités sensorimotrices. La thèse montre ainsi que l’étude phonético-phonologique de l’interlangue, de l’émergence de ses unités et de ses structures à son évolution temporelle, constitue un observatoire sans doute capable de refléter des éléments fondamentaux du fonctionnement du langage humain en général et de ses unités.